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"Les Fellows sont des ambassadeurs ayant une double mission" – Entretien avec Prof. Dr. Miampika Moundele
17.12.2020
Prof. Dr. Miampika Moundele is one of the Fellows currently working at the Cluster of Excellence. We talked to him about his experience at the University of Bayreuth in the midst of the global pandemic and his research projects that he is currently working on. (Interview in French and English).
© Landry-Wilfrid Miampika
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Prof. Dr. Miampika Moundele, vous êtes au milieu de votre bourse de trois mois au Cluster d'Excellence Multiple Afrique et les choses sont loin d'être normales avec la pandémie mondiale. Comment les défis du verrouillage et d'autres restrictions ont-ils affecté votre travail? Serez-vous capable de faire ce pour quoi vous êtes venu ici?
Je suis presque à la fin de mon séjour à l’Université de Bayreuth prévu pour trois mois (d’octobre à décembre). Je suis arrivé exactement le 1 octobre après 3 trois tests de Covid 19. Après une quarantaine de 5 jours, j’ai dû faire un nouveau test pour avoir une vie plus ou moins normale, et sans risque de se contaminer ni de contaminer les autres. C’est mon troisième séjour à Bayreuth, j’y étais déjà venu en juin 2015 pour un colloque de l’Association américaine de littérature africaine; et en 2016, pour un séjour scientifique d’un mois, invité par la Professeure Ute Fendler. Même ainsi, pour cette troisième fois, j’ai eu besoin de quelques jours (voire une à deux semaines) d’adaptation à cause des restrictions dues à la pandémie. Le docteur Gilbert Ndi Shang, mon espèce de tuteur, m’a largement aidé pour minimiser et résoudre les problèmes du logement et autres problèmes.
Dans le contexte actuel, le rythme de travail, bien entendu, ne peut pas être le même. La recherche est un processus de sédimentation. Elle a besoin aussi des contacts directs avec les collègues, des échanges fructueux face à face et sans restrictions, en toute liberté. Je regrette seulement de ne pas voir la possibilité de rencontrer les collègues qui devaient venir d’Afrique. Mais dans les conditions actuelles, on s’adapte et on fait ce que l’on peut, ce que l’on a faire… J’ai pu travailler autant que j’ai pu sans vie sociale ni loisirs. Et le temps passe vite.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours académique qui a conduit à votre séjour chez nous?
Mon parcours académique et scientifique est atypique. Je suis né à Pointe-Noire, ville de la côte atlantique et capitale économique du Congo-Brazzaville. Très jeune, je suis parti à Cuba pour des études secondaires et universitaires. J’y ai fait une Maîtrise en Lettres. Puis, j’ai fait une DEA (en Études Ibériques et Latino-américaines) à l’Université de Paris 8-Saint Denis. Et j’ai fini ma formation doctorale avec une thèse sur la Caraïbe à l’Université d’Alcalá, en Espagne, où j’enseigne en ce moment au département de Lettres Modernes. Ma recherche et mon enseignement portent sur les littératures et cultures postcoloniales d’Afrique et de la diaspora en français et en espagnol. Je m’intéresse aussi aux théories postcoloniales, aux arts plastique et leurs liens avec les littératures écrites.
Qu'est-ce qui a eu un impact sur votre décision de postuler pour la bourse à notre cluster d'excellence ? Qu'espérez-vous accomplir pendant votre séjour chez nous ?
L’université de Bayreuth est reconnue au niveau mondial sur les études africaines. Donc, c’est pour moi, à la fois, un honneur et une responsabilité d’avoir été retenu en tant que boursier dans ce programme d’excellence. C’est, en effet, pour moi une possibilité de faire des recherches approfondies, de rencontrer des collèges africanistes et de profiter largement de la riche bibliothèque de l’Université de Bayreuth, qui est sans doute, l’une des meilleures au monde sur les études africaines. De plus, je voulais également travailler avec la Chaire des études romanes dirigée par la professeure Dr. Ute Fendler. Étant donné que c’est un court séjour, aggravé par les restrictions dues à la pandémie, le séjour à surtout consister à se documenter, à lire beaucoup, à écrire aussi dans la mesure du possible, et à écouter les contributions des collègues pendant les réunions scientifiques et les conférences plénières du Cluster. Nous avons eu des débats intéressants à la section « Arts et Esthétiques », et de temps en temps des échanges inoubliables avec mes collègues fellows (les docteurs Eleanor T. Higgs, Benedito Ferrao et Susanne Gehrmann). Dans l’ensemble, j’avoue que j’ai beaucoup appris.
Et je dois, quand même, préciser que trois mois de recherches c’est court si l’on veut approfondir une recherche, avoir plus d’échanges fructueux avec les collègues et de mettre en perspectives de projets de recherches, de collaboration et de publications.
Sur quels thèmes de recherche travaillez-vous actuellement ?
Sur le thème de la migration. Phénomène à la fois inévitable et incontournable. Un thème actuel et qui nous interpelle tous à plus d’un titre. Beaucoup d’africains doivent quitter leur pays pour de multiples raisons. Et à travers des images et des représentations, la littérature postcoloniale africaine reprend leur drame, leurs angoisses, et leur intégration difficile et leur acceptation comme sujet de droit dans la société d’accueil, en Occident. C’est un thème que me tient beaucoup à cœur.
Personnellement, je crois beaucoup à un rapport direct entre université (comme haut lieu de réflexion et de savoir) et société. Donc, cette thématique de recherche nous permet également de mener des réflexions sur la société actuelle et de demain, et de sensibiliser sur toutes les formes de violences dont font surtout objet les migrants : violences ethniques et fondamentalistes, exclusion (ethnie, sexe, religion), par conséquent, toutes sortes de racisme (primaire, systémique, institutionnel, ouvert ou voilé).
En somme, c’est une thématique qui montre la multiplicité de l’Afrique, la continuité entre esclavage, colonisation et situation postcoloniale. C’est une aussi une qui interroge l’Histoire de l’Occident, qui questionne notre rapport aux autres, notre perception de la différence culturelle, nos préjugés sur l’Afrique et les africains, notre capacité de générosité et d’hospitalité en tant qu’être humain.
De quelle manière espérez-vous contribuer à l’agenda du Cluster?
Le Cluster est un grand et beau projet dans le cadre des études africaines. Il a beaucoup de membres de renom. Les Fellows constituent un des piliers de ce bâtiment. Et les Fellows sont des ambassadeurs ayant une double mission : représenter leur institution d’origine auprès du Cluster à Bayreuth et contribuer à l’internationalisation de l’image du cluster à l’étranger. Comme tous mes collègues Fellows, pendant mon séjour, j’ai dû donner une conférence dans la section d’accueil, dans mon cas, la section « Arts et Esthétiques ». En tant que Fellow, j’ai donc pris part, dans la mesure du possible, à toutes les réunions et autres activités scientifiques programmées, surtout comme auditeur, en ligne à plusieurs conférences intéressantes.
Et je suis conscient que en tant que chercheur, africain et africaniste, nous avons aussi une responsabilité éthique : contribuer à une autre représentation de l’Afrique, loin des clichés ou des stéréotypes. Mobiliser toutes les énergies possibles, fédérer les synergies afin de collaborer à la décolonisation des mentalités aussi bien des européens comme des africains. Pendant tout mon séjour, j’ai été conscient de cette responsabilité.
6.Avez-vous déjà des plans pour la fin de votre bourse ?
Depuis 20 ans environ, je suis enseignant chercheur à l’Université de Alcalá à 30 kilomètres de la ville de Madrid en Espagne. Au second semestre, plus précisément, à partir du mois de février, je reprends mon enseignement. Parallèlement, je vais continuer mes recherches.
© Landry-Wilfrid Miampika
INTERVIEW WITH PROF. DR. LANDRY-WILFRID MIAMPIKA MOUNDELE (English Version)
Prof. Miampika Moundele you are currently doing a fellowship at the Africa Multiple Cluster of Excellence in Bayreuth and things are far from normal with the global pandemic. How have the challenges of lockdown and other restrictions affected your work? Will you be able to get done what you came here for?
I am almost at the end of my three-month stay at the University of Bayreuth (October to December). I arrived exactly on October 1 after three tests for Covid 19. After a quarantine of five days, I had to do a new test to have a more or less normal life, and without risk of contaminating myself or contaminating others. This is my third stay in Bayreuth, I have already been here in June 2015 for a colloquium of the American Association of African Literature; and in 2016, for a one-month scientific stay, invited by Professor Ute Fendler. Even so, for this third time, I needed a few days (if not a week or two) of adaptation due to the restrictions due to the pandemic. Doctor Gilbert Ndi Shang, my kind tutor, has helped me a lot to minimize and solve housing and other problems.
However, in the current context, the pace of work cannot be the same as before. Research is a process of sedimentation. It also needs direct contact with colleagues, fruitful face-to-face exchanges without restrictions, in complete freedom. I only regret that I did not see the possibility of meeting the colleagues who were to come from Africa. But under the current conditions, we adapt and do what we can, what we have to do. I was able to work as much as I could without social life or leisure. And time certainly flies.
Can you tell us a little bit about your academic journey leading up to your stay with us?
My academic and scientific background is atypical. I was born in Pointe-Noire, a city on the Atlantic coast and the economic capital of Congo-Brazzaville. At a very young age, I went to Cuba for secondary and university studies. I did a Masters in Literature there. Then, I did a DEA (in Iberian and Latin American Studies) at the University of Paris VIII sin Saint-Denis. And I finished my doctoral training with a thesis on the Caribbean at the University of Alcala, Spain, where I am currently teaching in the Department of Modern Literature. My research and teaching focus on postcolonial African and diaspora literatures and cultures in French and Spanish. I am also interested in postcolonial theories, plastic arts and their links with written literature.
What impacted your decision to apply for the fellowship at our Cluster of Excellence? What do you hope to achieve during your stay with us?
The University of Bayreuth is globally recognized for African studies. So, for me, it is both an honour and a responsibility to have been selected as a fellow in this program of excellence. It is, indeed, for me an opportunity to do in-depth research, to meet Africanist colleges and to benefit greatly from the rich library of the University of Bayreuth, which is without doubt one of the best in the world on African Studies. In addition, I also wanted to work with the Chair of Romance Studies headed by Professor Dr. Ute Fendler. Given that this is a short stay, made worse by the restrictions due to the pandemic, the stay above all consists of documenting oneself, reading a lot, writing as much as possible, and listening to the contributions of colleagues during the scientific meetings and plenary conferences of the Cluster. We had interesting debates in the “Arts and Aesthetics” section, and from time to time unforgettable exchanges with my colleague fellows Dr. Eleanor T. Higgs, Dr. Benedito Ferrao and Dr. Susanne Gehrmann.
Overall, I have to admit that I learned a lot. And I must, all the same, specify that three months of research is short if we want to deepen our research, have more fruitful exchanges with colleagues and put into perspective research projects, collaboration and publications.
Which research topics are you currently working on?
Currently I am working on the theme of migration. A phenomenon that is both inevitable and unavoidable. A current theme that concerns us all in more ways than one. Many Africans have to leave their countries for multiple reasons. And through images and representations, African postcolonial literature takes up their drama, their anxieties, and their difficult integration and acceptance as a subject of law in the host society, in the West. This is a theme that is very close to my heart.
Personally, I strongly believe in a direct relationship between university (as a high place of reflection and knowledge) and society. Therefore, this research theme also allows us to reflect on current and future society, and to raise awareness of all forms of violence to which migrants are mainly subject: ethnic and fundamentalist violence, exclusion (ethnicity, sex, religion), therefore, all kinds of racism (primary, systemic, institutional, open or veiled).
In short, it is a theme that shows the multiplicity of Africa, the continuity between slavery, colonization and postcolonial situation. It is also one which questions the History of the West, which questions our relationship to others, our perception of cultural difference, our prejudices on Africa and Africans, our capacity for generosity and hospitality as than being human.
In which ways are you hoping to contribute to the Cluster’s agenda?
The Cluster is a big and beautiful project within the framework of African studies. It has a lot of famous members. The Fellows are one of the pillars of this organization. And Fellows are ambassadors with a dual mission: to represent their home institution to the Cluster in Bayreuth and to contribute to the internationalization of the image of the cluster abroad. Like all my colleague Fellows, during my stay I had to give a talk in the hospitality section, in my case, the "Arts and Aesthetics" section. As a Fellow, I have therefore taken part, to the extent possible, in all meetings and other scheduled scientific activities, especially as an online auditor, at several interesting conferences. And I am aware that as a researcher, African and Africanist, we also have an ethical responsibility: to contribute to another representation of Africa, far from clichés or stereotypes. Mobilize all possible energies, federate synergies in order to collaborate in the decolonization of mentalities of both Europeans and Africans. Throughout my stay I was aware of this responsibility.
Do you already have plans for when your fellowship is over?
For about 20 years, I have been teaching researcher at the University of Alcalá, 30 kilometres from the city of Madrid in Spain. In the second semester, more precisely, from February, I will resume my teaching. At the same time, I will continue my research.